Les spécialistes n'hésitent pas à parler de « révolution ». Les plus optimistes estiment qu'elle permettra de traiter, dans les cinq à dix ans à venir, des maladies aussi graves que le cancer ou le sida. Son nom : l'ARN interférent (acide ribonucléique). Un dérivé de l'ADN (acide désoxyribonucléique) - le principal constituant des chromosomes -, longtemps négligé. Or des chercheurs viennent de prouver que cet ARN était capable de neutraliser l'action des gènes. Et donc d'empêcher leurs éventuels méfaits. Tout a commencé, en 1990, avec des travaux sur les pétunias. Un biologiste, qui voulait accentuer leur couleur en modifiant leur patrimoine génétique, a abouti à la formation de fleurs blanches. Les études sur cet effet neutralisant se sont alors multipliées. Et l'ARN interférent est progressivement sorti de l'ombre. Chez les plantes et les animaux invertébrés, il constitue toujours « un moyen ancestral de lutte contre les agents infectieux », comme le qualifie le généticien Axel Kahn. Chez les vertébrés, il a été remplacé par des armes plus sophistiquées. Et pourtant, il a conservé un pouvoir colossal, celui d'activer ou de bloquer les gènes en fonction des besoins de l'organisme. Les chercheurs espèrent donc aujourd'hui s'en servir pour devenir les maîtres des gènes - par exemple des oncogènes responsables des cancers - et pour combattre certaines infections virales, dont le sida. Bref, pour faire une médecine de pointe avec un moyen de défense archaïque.